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de sucre… Non, non, je n’irai pas voler de la viande chez les bouchers, et je ne pisserai pas sur les meubles, et je serai soumis, respectueux avec ces deux horribles gens, pour être aimé de ce petit garçon !… Et je sauterai sur ses genoux, et je lui lécherai les joues, et je trottinerai derrière lui quand il ira dans la campagne ou à travers les rues !… Et je mordrai aux jambes les méchants qui le frapperont… Et je serai un bon petit chien, comme il est un bon petit enfant !

Je n’avais pas eu tort de prêter à Bijou toutes ces gentilles paroles et toutes ces braves intentions. Car, le lendemain matin, étant descendu avant ma mère à la cuisine, j’aperçus Bijou qui, dès qu’il m’eut vu, vint à moi, la queue joyeuse, et me sauta aux jambes…

— Oaou ! oaou ! oaou !…

— Oui ! oui !… mon petit Bijou, je te comprends bien. Et nous nous amuserons tous les deux !… Et nous nous dirons des choses que nous n’avons dites encore à personne, parce que, vois-tu, personne ne comprend les petits chiens et les petits enfants.

— Aoue ! aoue ! aoue !

Et prenant Bijou dans mes bras, je l’embrassai, et je lui dis :

— Bijou ! Bijou ! je suis content que tu sois venu… Je ne serai plus seul, maintenant, plus jamais seul !…