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mon père ayant fait remarquer que si notre voisin, l’épicier, qui avait été dévalisé, huit jours avant, de toutes ses chandelles et de tout son café, avait eu un chien pour l’avertir de la présence des voleurs, il n’eût peut-être pas été dévalisé. Il déclara :

— Je te dis que ces chiens-là, c’est très bon pour les voleurs et pour les rats… Ça éloigne les uns, et ça mange les autres !… Ah !…

Et il ajouta :

— Et puis, ça n’est pas gênant dans un ménage !… Ça ne coûte rien de nourriture ! On n’a pas besoin de leur donner à manger… Ils vont chercher leur vie dans les ordures de la rue !…

— Oui ! siffla ma mère… et chez le boucher aussi !… Tous les mois, on vous apporte des notes de côtelettes et de gigots !… Ah ! nous avions bien besoin de cela !… merci !…

Mon père haussa les épaules, et montrant le petit chien :

— Allons donc !… Allons donc !… des gigots !… Qu’est-ce que tu chantes ? Une petite bête comme ça… avec quoi veux-tu qu’elle prenne des gigots !…

Ma mère s’obstinait :

— Et s’il pisse sur les meubles ?… C’est toi qui les nettoieras, hein ?…

— On le corrigera… D’ailleurs…

D’un ton persuasif, et comme si cela devait couper court à toutes autres objections :