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— Voici ta chambre… Tu y coucheras ce soir !…

Et c’est là que, depuis deux ans, je dormais, je rêvais, je songeais !…

On se souvient que, dès le lendemain de la visite que j’ai racontée, Monsieur Narcisse devait venir pour me donner sa première leçon. À sept heures, j’étais levé et habillé. Mon père était déjà parti, ma mère dormait encore, et la femme de ménage balayait l’escalier. Il faisait à peine jour… un petit jour sournois et triste qui rendait plus pauvre, plus intolérablement pauvre, ma chambre. Et cependant, la veille, ma mère l’avait décorée de nouveaux meubles, à l’intention de mon professeur. Elle avait ajouté une sorte de vieux fauteuil, un tapis devant la cheminée, et elle avait couvert la table de bois blanc d’un antique châle brun mangé de mites.

M. Narcisse entra. En me voyant :

— Ah ! ah ! c’est très bien, c’est très bien ! dit-il. Déjà prêt !… c’est très bien.

Il posa sur la table une pile de livres qu’il avait apportés, enleva son chapeau et son par dessus élimé, puis, se frottant les mains, il répéta :

— C’est très bien !… c’est très bien !… Tiens !… j’ai rencontré votre père en cabriolet,