Page:Mirbeau - Chez l’Illustre écrivain, 1919.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je m’étais recouché tout tremblant, et je me faisais si petit, si petit que j’espérais disparaître, me fondre dans ces draps ; et pour ne plus rien entendre j’avais accumulé par-dessus ma tête les couvertures.

Pourtant, j’entendis encore ma mère qui disait, tout bas :

— Non… non…Plus maintenant !… Il n’est pas rendormi… Je suis sûre qu’il n’est pas rendormi !… Il est si sournois… si vicieux… avec son air de ne rien voir et de ne rien dire !

Et quelque temps après :

— Il est trop grand maintenant !… affirmait mon père… On ne peut plus le garder ici… Il faudra qu’il couche dans la chambre à côté…

— Tais-toi donc !… Je suis sûre qu’il entend tout ce que nous disons… Il faut dormir…

— C’est embêtant !

— Qu’est-ce que tu veux !… Allons, dors !… Demain, il couchera dans la chambre !…

— Ces sacrés enfants !…

— Mais, dors donc !…

Et, au bout d’un quart d’heure, j’entendis un double ronflement, qui emplissait la chambre, redevenue paisible, de sonorités de violoncelle.

Le lendemain, aidée de la femme de ménage, ma mère débarrassait la chambre d’à côté. Elle ne me dit rien, ne me fit aucun reproche. Mais elle avait un air dur et rancunier. Quand ce fut fini, elle déclara d’un ton bref :