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roses qui volaient entre des banderoles fleuries. Mais le papier n’était plus vert, les anges n’étaient plus roses et les banderoles avaient presque disparu. Tout cela avait acquis, par le temps et le manque d’entretien, un ton uniformément pisseux, fort désagréable à voir. Sans compter que, décollé par l’humidité et mangé par la moisissure, le papier se déchirait en mains endroits, et pendait, le long du mur, ainsi qu’une peau morte.

Je n’habitais cette chambre que depuis deux ans, à peine. Autrefois, elle servait de débarras ; et il y avait de tout, de vieux vêtements, de vieux harnais, de vieux coffres, des sacs d’avoine et des rats. Moi, je couchais dans la chambre de mes parents qui était bien plus belle, car il y avait un lit, d’amples rideaux en reps grenat ; une peau de renard, un peu chauve et bordée de drap rouge, en guise de tapis ; une toilette d’acajou qui, dans la journée, faisait office de commode, et, sur la cheminée, entre deux flambeaux de bronze, une pendule dorée sous un globe. Il va sans dire que cela me paraissait le dernier mot du confortable et du faste… J’en fus, en quelque sorte, chassé, à la suite d’un incident que je n’hésite pas à raconter, à cause de son indicible tristesse.

Une nuit, je fus réveillé en sursaut… La lampe brûlait encore sur la table de nuit, et répandait dans la pièce une clarté lugubre… Quand on sort du sommeil, brusquement, violemment, les