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une bête toute sa vie ou que sa famille dépense des mille et des cent pour son éducation.

Enfin, après des explications de toute sorte, malgré ma résistance qui avait d’ailleurs faibli sous les regards sévères de ma mère, il fut décidé que Monsieur Narcisse serait mon professeur, qu’il m’apprendrait le grec, le latin, l’histoire et la tenue des livres — la tenue des livres, surtout !…

Une fois qu’il fut parti, ma mère me flanqua, d’abord, une gifle, puis une autre, puis une autre, et elle me dit, blanche de colère :

— Ah ! je t’apprendrai à pleurer et à faire la bête, devant Monsieur Narcisse ! Et que je te voie le regarder de travers, et le mal recevoir ! Tu auras à faire à moi, petit imbécile…

Et elle ajouta :

— Tu me feras le plaisir d’être levé et prêt, demain, à sept heures, pour ta première leçon… Un professeur comme ça…

Il fut, en effet, mon professeur, Monsieur Narcisse… Et vous allez voir de quelle manière… et ce qu’il m’enseigna.

Ma chambre communiquait avec celle de mes parents, et n’était séparée de celle-ci que par une mince cloison de briques. Elle n’était pas luxueuse. Un lit de fer, une petite table de bois blanc, deux chaises de paille en composaient le mobilier. Je revois encore le papier qui la tapissait, un papier vert sombre, orné de tout petits anges