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tions, une sorte de petit collège communal, et dans ce petit collège, une sorte de petit professeur qu’on appelait « Monsieur Narcisse ». Ce Monsieur Narcisse venait souvent chez nous. C’était un petit brun, timide et prétentieux, d’une assez jolie figure et que ma mère prenait plaisir à recevoir. J’avais remarqué que Monsieur Narcisse était le seul être au monde envers qui ma mère se montrât douce et affectueuse. Elle le regardait avec admiration, et même avec quelque chose de plus que de l’admiration. Sa voix, quand elle lui parlait, devenait subitement pleine de tendresse. Cela m’étonnait et, bien que je ne susse pas pourquoi, cela me gênait infiniment. Je ne voyais jamais venir Monsieur Narcisse chez nous sans une sorte de peine et presque sans une sorte de honte. Je ne cherchais pas à expliquer ce sentiment. Je le subissais avec une étrange violence. Monsieur Narcisse me tapotait la joue avec amabilité ; quelquefois, il me prenait sur ses genoux et m’embrassait avec de gentilles paroles. Mais, chose curieuse, je sentais très bien que ces paroles gentilles et ces caresses n’étaient pas pour moi. D’ailleurs, lorsqu’il était là, je ne restais jamais longtemps, et ma mère ne tardait pas à me dire :

— Allons, mon petit Georges, va jouer dans ta chambre.

Un jour, Monsieur Narcisse me dit :

— Est-ce que vous seriez content, mon petit