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mon beau-père, et sur la voisine qui était venue faire la toilette de la morte, et je pleurai aussi sur la chambre et sur les meubles de la chambre, et sur la vie et sur tout, et sur rien !

Je revois le lamentable salon où, tous les trois, tantôt vautrés sur les meubles et tantôt jetés dans les bras l’un de l’autre par de brusques tendresses, nous passâmes le reste de la nuit à pleurer et à chanter sur les modes les plus tristes, les extraordinaires vertus de la morte.

— Pauvre Héloïse !… gémissait le beau-père. C’était une femme héroïque et qu’on ne connaissait pas… Je n’étais rien sans elle… Et maintenant qu’elle est partie, que vais-je devenir ?…

— Père, père !… sanglotait Rosalie. Petit père chéri !… Quel affreux malheur !

— Je n’ai plus que vous, mes enfants, je n’ai plus que vous !… Ah ! vous ne saviez pas ce qu’était Héloïse !… Elle avait un bon sens merveilleux… Elle s’entendait au ménage comme pas une… et si économe !… Et puis, elle était l’âme de ma maison de commerce ! Je n’ai plus de ménage, plus de maison de commerce, plus rien, plus rien… Je n’ai plus que vous !…

— Et quelle belle-mère c’était pour moi !… m’exclamais-je. Quel trésor de tendresse ! Comme elle nous soutenait ! Comme elle renforçait notre union de ses chers conseils !… C’est horrible !… horrible !…

— Elle était si généreuse !… si dévouée !…