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voudrais dire deux mots d’un petit drame qui vint rompre, un instant, la monotonie de notre si pauvre histoire.

Ma belle-mère, qui était, du reste, de vie chétive, tomba malade et mourut.

Elle mourut juste au moment où l’on se décidait à appeler le médecin.

— Ce n’est rien !… disait-elle. C’est une indigestion… J’ai sur l’estomac comme une boule… Ce n’est rien !

À quoi mon beau-père ajoutait, en manière d’explication rassurante :

— Ce sont les haricots de l’autre jour… Moi aussi, je me suis senti tout chose après en avoir mangé… Mais ça n’est rien !

On fit boire beaucoup d’eau de mélisse à la malade et, sur le conseil d’une voisine qui était sage-femme, on lui administra quelques cuillerées d’huile de ricin. Et, comme son état empirait :

— Ça n’est rien !… disait-elle en nous regardant d’un regard un peu effrayé… Ça n’est rien… Je sens que c’est une boule… là… N’est-ce-pas que ça n’est rien ?

— Mais non !… Mais non !… affirmais-je…

— Mais non !… Mais non !… répétait le beau-père avec assurance… Ça n’est rien !… Parbleu ! ça se voit que ça n’est rien !… Il faut qu’ils passent, voilà tout !…

Un soir — c’était un samedi, je me souviens —