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une flamme nouvelle et ardente ; la peau de son visage rayonnait ; ses cheveux brillaient, une chaleur de vie intense s’échappait, comme d’un foyer, de son corps, qui se collait au mien.

— Allons ! allons ! lui dis-je, en la forçant à se rasseoir, il ne faut pas pleurer, il ne faut jamais pleurer. Et jamais il ne faut m’appeler votre petit homme. Je ne suis pas un petit homme…

Elle sanglota longtemps. Et elle s’écriait, entre des spasmes :

— Je suis trop malheureuse… Non, je suis trop malheureuse !

Doucement, je lui demandai :

— Pourquoi êtes-vous malheureuse… Il vous manque donc quelque chose ?…

Et elle répondit !

— Oui ! Il me manque quelque chose… Il me manque quelque chose dans la tête, dans le cœur, dans les bras… partout !… Oui, il me manque d’être vivante, je vous assure… Et cette vie à laquelle j’aspire, cette vie, vous ne voulez pas me la donner !… Je serai donc toujours morte ?

— Allons !… Allons !… lui dis-je… Calmez-vous !… Il est temps que nous dînions !…

C’est à partir de ce moment que Rosalie prit vraiment possession de notre ménage… Au lieu de rester calme et silencieuse, peu à peu, elle devint glapissante et aigre. Elle m’enleva tous mes droits d’homme dans la maison, me dépouilla de toute espèce d’autorité. Puis, bientôt, comme je