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le sou, comme Rosalie ! Mais c’est de la folie !… Et comment ?… Et pourquoi ?…

À toutes leurs questions, je répondais :

— Je ne sais pas.

Et ils ne pouvaient point me tirer autre chose.

Ah ! les soirées mémorables et pénibles, et comiques aussi qui, chaque fois, menacèrent de se terminer par une brouille générale, entre tous ces vieux amis, dont l’intérêt crispait les âmes féroces !… Oh ! les discussions aigres, sournoises et colères, toujours les mêmes, où il était attesté, d’une part, que le commerce n’allait pas et que je n’étais pas un aigle… d’autre part qu’on n’avait jamais vu, chez les parents qui mariaient leur fille, une telle ladrerie !… Car les vieux amis, en dépit de toutes les récriminations, persistaient à ne pas vouloir donner de dot à leur fille… mieux que cela, ils entendaient garder le piano, acheté par Rosalie, sur ses petites économies de jeune fille…

— Et comment voulez-vous que je démeuble mon salon ?… criait le père… Qu’est-ce que je mettrais dans mon salon, à la place du piano ?…

Et ma mère répliquait :

— Le piano ne vous appartient pas… Il est à Rosalie…

— Rien, ici, n’est à Rosalie…

— Vous n’allez pas dépouiller Rosalie, au moment où elle entre en ménage !…