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tions de la chair, tous les mystères et toutes les secousses de l’amour… J’avais aimé plus que des femmes, des symboles de beauté, de volupté et de magnifique débauche… J’avais aimé les Vénus et les Dianes, et les vierges sublimes, et les saintes martyres, et les princesses luxurieuses, et les sanglantes reines… Tout ce que l’art, la légende et l’histoire avaient incarné dans le marbre, dans le rêve et dans la vie, de créatures splendides, tout ce qui, jadis, avait vécu d’une vie exceptionnelle, dans la passion sublime et dans la sublime impudeur, je l’avais possédé réellement, physiquement… Ma bouche s’était collée à toutes les nudités illustres, et j’avais soulevé les voiles les plus pudiques, et les plus lourds brocarts réservés aux caresses des rois…

Et voilà que tout cela allait disparaître… et que sur tout cela l’ombre de Rosalie, l’ombre grise et fétide de Rosalie allait s’allonger…

Le vieil ami de ma famille parlait toujours… Il parlait encore quand ces dames rentrèrent… Alors il se leva, et il dit :

— Vous ne savez pas !… Charles me demandait la main de Rosalie ! Charles n’est pas beau et ce n’est pas un aigle… mais je la lui ai donnée tout de même… Est-ce vrai, Charles ?

J’aurais voulu crier, hurler… prendre une chaise et en asséner des coups furieux sur le crâne de ces trois hideux personnages… Je répondis :