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et de lui en exprimer mon avis, un jour ou l’autre.

— Plutôt l’autre !… accentuai-je en la reconduisant…

Quand je fus seul, j’eus un instant l’idée de jeter aux ordures ce paquet importun. Pourtant, je le débarrassai du papier goudronné qui le recouvrait, et sur la première page, écrits à l’encre rouge, j’aperçus ces deux mots : Mes mémoires.

Je retournai encore cette page et me mis à lire… mais dès les premières phrases je demeurai stupide… C’était tout simplement admirable… Le reste de la journée, et toute la nuit, je les passai dans la lecture frémissante, angoissante, de ces pages que voici.

Aujourd’hui, je me suis regardé, par hasard, dans une glace. Il y a longtemps que cela ne m’était arrivé, car je fuis tous les miroirs, toutes les surfaces polies et reflétantes où je pourrais, tout d’un coup, me trouver en face de moi-même, car, toujours, j’évite de me voir. Parmi tous les spectacles, le spectacle de ma propre personne est celui qui me dégoûte le plus.

Aujourd’hui, par hasard, je me suis regardé dans une glace. C’était dans la rue, au détour d’une rue, devant une vitrine de magasin… Et je me suis rencontré avec moi-même, je me suis