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jeune homme, ceux-ci lui donnèrent tort. Et, après lui avoir demandé ses nom, prénoms, qualité et domicile, ils dressèrent solennellement procès-verbal.

— Ça, par exemple !… maugréait le jeune homme, si on n’a plus le droit de battre les chevaux, maintenant !… Elle est forte !… Bientôt, on ne pourra plus tuer les lapins. Et on a la liberté !… Et on est en République ! Non… elle est violente, celle-là !…

Il invoqua tous les grands principes de liberté. En vain. Après quoi, les deux agents firent circuler la foule mécontente et qui protestait, elle aussi…

— Ah ! bien, vrai !… Pour un méchant carcan !… Ç’aurait été un patriote, on ne ferait pas de tant manières ! On a droit de battre les patriotes… mais les chevaux !…

Le jeune homme, avant d’obéir aux injonctions de la police, cria, héroïquement, en agitant son chapeau :

— Vive la liberté !

Un autre montra le poing au cheval :

— Va donc, électeur de Millerand !…

Et le charretier, sans qu’on sût exactement à qui ou à quoi s’adressaient ses jurons, jura encore :

— Nom de nom de nom !

Quant aux chevaux, immobiles, la tête basse, la crinière brouillée, les jarrets meurtris, ils