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Le Reporter. — Mais tout le monde, mon cher maître… Mais tous les journaux, mon cher maître.

L’illustre Écrivain. — Ah ! vraiment ! Comme cela me désole !… Je ne lis plus les journaux… je ne lis que vos articles.

Le Reporter. — Oh ! mon cher maître !

L’illustre Écrivain. — Et pourquoi les journaux en parlent-ils ?

Le Reporter. — Ils ont raison… N’est-ce pas un événement considérable ?

L’illustre Écrivain. — Sans doute. Je crois, en effet, que mon roman sera un événement considérable… J’ai, cette fois-ci, carrément abordé un des problèmes les plus compliqués et les plus éternels, et les plus particuliers aussi, de l’amour… Je ne puis pas en dire davantage, mais il y a là une thèse originale et brûlante, qui se développe dans des milieux mondains, ultra-mondains, et qui soulèvera bien des colères !… Enfin, je crois que, de toutes mes œuvres, c’est l’œuvre la plus forte, la plus parfaite, la plus définitive… celle que je préfère, c’est tout dire… Mais je suis bien dégoûté, allez !… Croiriez-vous que tous les pays, que tous les journaux et toutes les revues de tous les pays se disputent mon roman !… On m’offre des sommes colossales !… J’ai bien envie de leur jouer, à tous, un bon tour. J’ai bien envie de ne le publier qu’en volume… un tirage restreint,