Page:Mirbeau - Chez l’Illustre écrivain, 1919.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et cette troisième visite est suivie d’une quatrième, laquelle fut illustrée de la conversation suivante :

— Comme vous êtes pâle, chère enfant !

— C’est que j’ai grand’faim, ma Mère !

— Je suis sûre que vous n’avez pas fait vos devoirs religieux, ces jours-ci ?

— Hélas ! non, ma Mère…

— Eh bien ! tenez, cela tombe à merveille, mon enfant…

— Vous m’avez trouvé une position, ma Mère ?

— Il y a justement, ici, mon enfant, un bon Père dominicain… un si bon Père dominicain !… Je vais lui demander de vous entendre…

— J’aimerais mieux un peu de travail, ma Mère, si peu de travail que ce soit…

— Sans doute… sans doute… Mais profitez de l’occasion… Elle ne se retrouvera peut-être plus jamais… C’est un si bon Père dominicain… Et puis… vous pourrez tout lui dire… tout… tout… Il est sourd !…

Et ma jolie voisine termine ainsi son récit :

— Vous pensez que je ne retournai jamais plus dans ce maudit couvent. Deux ans après, j’étais mariée. Or, le jour de mon mariage, je reçus de la Révérende Mère une lettre qui commençait ainsi : « Ma chère petite protégée… »

Et longtemps, elle rit, comme chante un oiseau sous les branches…