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s’enhardissant jusqu’à violer sa pudeur intime… Alors, la bonne mère hoche la tête, très triste, et soupire. Sa voix se fait moins douce… ses lèvres se dessèchent.

— Ah ! dit-elle, je vois que vous avez oublié la Sainte-Vierge, mon enfant… et le divin cœur de Jésus… C’est très… très fâcheux… Vous comprenez… dans ces conditions, cela devient difficile… plus difficile… car nous avons, devant Dieu, des responsabilités… Voyons… avez-vous entendu le dernier sermon du Révérend Père du Lac ?

— Hélas ! non, ma mère !…

— Non !… s’écrie la religieuse, scandalisée, qui joint ses deux mains comme pour une prière d’exorciste… Mais c’est très mal… très mal… Et quel dommage pour vous !… Le Père a été si éloquent, si admirable ! Il a prouvé, d’une manière si claire, qu’il vaut mieux mourir de faim plutôt que de commettre un péché mortel ! Ah ! comme je souffre que vous n’ayez pas entendu ce magnifique sermon !

Incapable de tenir plus longtemps son sérieux, la jeune fille demanda ironiquement :

— Est-ce qu’il était à jeun, cet admirable Père, quand il a dit qu’il valait mieux mourir de faim ?

Le visage de la chère Mère prend une expression sévère, et, repoussant les mains qu’elle caressait, elle se lève, toute droite, un pli au front :