Page:Mirbeau - Chez l’Illustre écrivain, 1919.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le présent et d’espoir dans l’avenir, a tout fait. Cette gaieté joyeuse et forte fut l’antiseptique qui la préserva de tous les mensonges avec lesquels on pétrit, dans ces maisons-là, l’âme des jeunes filles. L’année qui suivit sa sortie du couvent, il lui arriva de grands malheurs.

Ses parents perdirent leur fortune et elle perdit, peu après, ses parents. Habituée au luxe et à l’affection, elle se trouva, tout d’un coup, seule et sans ressources. Désormais, il lui fallait travailler pour vivre. Cette perspective, elle l’envisagea sans terreur, car elle pouvait utiliser quantité de petits agréments, de petits talents où elle excellait : la broderie, la couture, la peinture, la musique. Et qui l’empêcherait de donner aux autres des leçons de n’importe quoi : d’histoire ou de danse, d’anglais ou de tapisserie ?… Après avoir vainement cherché, çà et là, un peu de travail chez d’anciens amis de sa famille, à Paris dans les magasins, elle résolut de s’adresser aux Bonnes Sœurs, aux si Bonnes Sœurs qui l’avaient élevée.

— Elles connaissent tant de monde, se disait-elle, elles ont une clientèle si étendue et si riche, de si puissantes influences, partout… qu’elles me trouveront immédiatement ce que je cherche et ce qu’il me faut… C’est évident !

Sur la recommandation de son ancienne préfète des Études, elle se présenta, un matin, au Sacré-Cœur de la rue de Varennes, certaine