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coquetteries basses, des sentimentalités absurdes de la femme. Véritablement, je crois qu’elle possède un cœur robuste, simple, loyal et fidèle, comme un homme. Son amour des bêtes qui, chez beaucoup de femmes, vous dégoûterait et des femmes et des bêtes, est un amour raisonné, presque scientifique. Il n’est pas du tout anthropomorphe. Il fait partie, à son plan, de ce culte général, mais parfaitement individualiste, par quoi elle aime, par quoi elle célèbre toute la vie.

Il faut se défier des impressions qui nous viennent des femmes, surtout quand elles sont jolies comme l’est ma jolie voisine. Nous les jugeons ordinairement avec notre désir de mâle qui se plaît à les surnaturaliser, à leur attribuer toutes sortes de qualités supérieures, qu’en réalité elles n’ont point, ce qui est stupide et inharmonieux, car elles en ont d’autres qui devraient pleinement nous suffire. Dans l’amitié qui pousse un homme vers une femme, il y a toujours autre chose que de l’amitié pure. La nature qui sait ce qu’elle fait et qui n’a souci que de vie, de toujours plus de vie, a voulu que nous fussions bêtes devant la femme, comme une dévote devant un Dieu de miracle, et que, en dépit de nous-mêmes, nous nous destinions à être les dupes éternelles de ce besoin obscur et farouche de création qui gonfle et mêle à travers l’univers, tous les germes, toutes les vivantes cellules de la matière animée.