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après-midi, délibérément, elle sonna à ma porte et me vint rendre visite.

— Excusez-moi, monsieur, me dit-elle. Mais je tenais à vous remercier, au nom de toutes mes bêtes, de votre article de dimanche. Je le leur ai lu, figurez-vous, et elles m’ont dit : « Il faut aller remercier ce monsieur, qui nous veut tant de bien, et qui prend si chaleureusement notre défense, contre la brutalité des méchants. »

Je ne savais que dire. Rieuse, ma voisine ajouta :

— J’aime tant mes bêtes, que je fais tout ce qu’elles veulent.

Je n’osais lui offrir d’entrer dans ma maison, et je la priai de s’asseoir sur un banc, dans le jardin.

J’aurais bien voulu éviter toutes les banalités des entrées en relations, et je me torturais l’esprit pour trouver quelque chose de rare et qui, tout de suite, fît valoir mon esprit, quand ma voisine, après un très court silence, me dit soudain :

— Il y a, monsieur, une chose qui m’intrigue fort. Quand, dans la rue, je prends la défense d’une bête battue, on m’appelle Anglaise ! C’est évidemment un outrage qu’on me fait. Mais pourquoi ? D’abord je ne suis pas Anglaise, je n’ai même pas une goutte de sang anglais dans les veines. Et puis… malgré cette horrible guerre du Transvaal, dont je rougis pour eux, les An-