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Sentimentalisme.


J’ai eu, cette semaine, une joie charmante. À la campagne où je suis, j’ai pour voisine une dame seule, veuve depuis trois ans, encore jeune, très jolie. Tous les jours, je passe devant sa propriété qui donne sur la route : une maison du siècle dernier, pareille à une orangerie, entourée de grands jardins que la forêt protège, de tous les côtés, de ses hauts murs verdissants. Jamais, je crois, je n’ai vu tant de fleurs, tant de fleurs, et tant de bêtes parmi ces fleurs. Chaque fois que je passe, je m’arrête discrètement devant la grille et je regarde cet endroit délicieux, si gai, si vivant, et qui m’enchante. Ma voisine ne fait pas beaucoup de bruit, et elle sort très peu. Du matin au soir, active, souple, elle cultive ses fleurs et elle soigne ses bêtes. Sans la connaître, j’éprouve pour elle une très vive sympathie, car tout chez elle, en elle, respire le bonheur calme et dit la vie occupée à des choses délicates.

Aussi, quelle surprise joyeuse quand, l’autre