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Hier, je l’ai rencontré dans la rue, Cavaignac. Vous avez vu ce pâle visage et ces yeux glacés qui gardent comme un reflet des guillotines ancestrales ? Il marchait sur le trottoir, d’une allure à la fois inquiète et provocatrice – ce n’était, vous le pensez bien, ni le remords, ni la crainte qui lui donnaient cette impression d’inquiétude – car cet homme roule encore dans sa tête obstinée, je ne sais quel monstrueux espoir de sang… Non, c’était l’arrêt de son ambition, la perte de son pouvoir, l’impuissance où il est de tuer encore quelque chose de l’âme du pays… Mais rien, ni sur son visage, ni dans ses yeux mornes, ni sur son dos de dégénéré, ni sur sa nuque d’assassin, ne marquait qu’il portât le lourd poids de ses crimes…