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APOLOGIE POUR VACHER



Ce qui se passe au Parlement, ce qui s’y tripote, ce qui s’y complote, ne nous intéresse généralement pas. De ce milieu servile et pourri, nous n’attendons point le triomphe de nos idées de justice. Ce triomphe est en nous, dans la constance de nos efforts, dans l’action de nos énergies individuelles ; pas ailleurs. Tel qu’il est recruté parmi toutes les déceptions et les rancunes de la vie provinciale, et tel qu’il fonctionne, le Parlement se trouve dans l’impossibilité absolue d’accomplir un acte de justice sociale, de convier à une œuvre de réparation humaine. Il ne le peut pas plus que le chardon ne peut produire des roses et que le nègre Norton ne peut faire à Millevoye une âme blanche. En plus de ces causes générales qui le vouent à l’impuissance, il est une cause particulière qui vient de son origine électorale, laquelle fut : le mensonge. Tous ces gens furent élus sur cette base unique, et comme ils disent dans leur jargon, sur cette seule « plateforme » : le mensonge. Tous ces gens furent élus pour laisser au bagne un innocent. Ils ne peuvent qu’ajouter leurs propres infamies à l’infamie des gouvernants qui les mènent à la décomposition, à la pourriture finale, comme mène un morceau de viande puante le chien qui la flaire dans le vent…