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MAHOMET

Je l’ai vu. Mais peut-être est-ce en rêve… Son front
divin, que surmontait un large turban rond
constellé de brillants, aigretté d’émeraudes,
son front dodelinait un peu dans l’heure chaude ;
sa barbe déployant mille flocons légers
flottait en éventail ; ceint d’une écharpe molle
son manteau rebrodé d’algébriques symboles
sur sa panse baillait… Et du cœur des vergers,
et jusqu’à lui montaient, savamment mélangés,
des parfums d’abricot, de figue, de goyave…
Majestueux et beau, satisfait, sage et grave,
sous les ronds parasols bénissants des palmiers
Mahomet prit alors le chemin coutumier
de lys fleuri qui mène aux espaliers célestes.
— Fruits des quatre saisons — des cinq mondes !.. D’un geste
choisissant les plus mûrs et les plus délicats
le Prophète mordait à ces pulpes exquises :
grenades, lourds brugnons, dattes grasses, muscats
luisants comme des yeux, amandes que déguise
un masque velouté, ballonnets si vermeils
des oranges, melons jaunissant au soleil !
— Mahomet, quand il eut dépouillé mainte branche