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CYGNE SUR L’EAU

Ma pensée est un cygne harmonieux et sage
qui glisse lentement aux rivages d’ennui
sur les ondes sans fond du rêve, du mirage,
de l’écho, du brouillard, de l’ombre, de la nuit.

Il glisse… Et lentement se déroule, s’allonge
son col, tel un serpent vaguement balancé,
et son aile luisante est la conque où le songe
repose avec l’oubli, la paix et le passé.

Il glisse, roi hautain fendant un libre espace,
poursuit un reflet vain, précieux et changeant,
et les roseaux nombreux s’inclinent lorsqu’il passe,
sombre et muet, au seuil d’une lune d’argent ;

et des blancs nénuphars chaque corolle ronde
tour à tour a fleuri de désir ou d’espoir…
Mais plus avant toujours, sur la brume et sur l’onde,
vers l’inconnu fuyant glisse le cygne noir.

Or j’ai dit : « Renoncez, beau cygne chimérique,
à ce voyage lent vers de troubles destins ;
nul miracle chinois, nulle étrange Amérique
ne vous accueilleront en des havres certains ;