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BERCEUSE

Dormez, enfant. À travers les courtines j’épie
le rythme égal de votre haleine ; la veilleuse
dans la chambre secrète brûle… Dormez, dormez.
L’oreiller de plumes sous votre front se creuse
comme une paume ; devant vos yeux fermés
passent les belles images menteuses…

Peut-être vous souvient-il encore des choses
qui bientôt se dissiperont une à une ?…
Rêvez, enfant, rêvez des jardins immatériels
où luisent de pâles et tièdes lunes,
où s’épanouissent tant de divines roses,
où dansent en rond des anges aux lèvres de miel !

Dormez… Rêvez… Nulle fée brune, blonde ou rousse,
ne lancera sur vous les miracles de sa corbeille ;
les fées sont mortes un beau soir, je ne sais comment.
Ont-elles fui, légères, sur les molles mousses ?
Sont-elles retournées à leur Passé charmant ?
… Mais le Destin vous a baisé sur la bouche.