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L’ANANDRYNE

était apparemment de leur apprendre l’art de sentir, qui embellit beaucoup celui d’aimer ; de les instruire de toutes les nuances de sensation que la nature indique, ou dont elle est susceptible ; en un mot, de les exercer entre elles, de manière à tourner un jour au profit de l’espèce humaine tous les raffinements qu’elles s’enseignaient mutuellement. Enfin, on leur apprenait à être amoureuses avant d’avoir un amant ; car on est amoureuse sans amour, comme on assure quelquefois qu’on aime sans être amoureuse. N’a pas du tempérament qui veut ; n’aime pas qui veut ; c’est une morale de ce genre que Lycurgue a développée dans ses lois ; c’est cette morale qu’Anacréon a éparpillée dans ses immortels badinages, comme les feuilles de la rose. Qui se serait attendu à trouver Anacréon et Lycurgue dans les mêmes principes ? Sapho, avant le poëte de Théos, les avait réduits en système pratique, et en avait décrit les symptômes. Oh ! quel peintre et quelle observatrice était cette belle, dévorée de tous les feux de l’amour !

Cette Sapho, qui n’est guère connue que par les fragments de ses poésies brûlantes et ses amours infortunées, peut être regardée comme la plus illustre des tribades. On compte au nombre de ses tendres amies les plus belles personnes de la Grèce[1], qui lui inspirèrent des vers. Anacréon assure qu’on y trouve tous les symptômes de la fureur amoureuse. Plutarque apporte un de ces morceaux de poésie en preuve que l’amour est une fureur divine qui cause des enthousiasmes plus violents que ne l’étaient ceux de la prêtresse de Delphes, des Bacchantes et des prêtres de

  1. Thélésyle, Amythone, Atthys, Anactorie, Cydno, Mégare, Pyrrine, Andromède, Mnaïs, Cyrine, etc.