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LE THALABA

quelque sorte les liens de la société, ont imité ces plaisirs auxquels ils se refusaient à regret, et les remplaçant par leurs propres efforts, ils ont appris à se suffire. Ces plaisirs isolés et forcés sont devenus une passion violente par la commodité de l’assouvir, qui a tourné à son profit la force de l’habitude, si puissante sur l’humanité ; alors ils sont devenus très-dangereux. Tant qu’ils n’ont été déterminés que par le besoin, quand une imagination plus voluptueuse que bouillante les a produits, aucun accident n’en a été la suite ; il n’y a point eu de mal physique à ce penchant, et la morale, en certains cas, aurait pu lui montrer quelque indulgence[1]. Les anciens, juges peut-être peu scrupuleux, mais juges philosophes, pensaient que lorsqu’on le contenait dans ces bornes, on ne violait pas la continence. Galien soutient, comme on a vu, que Diogène, qui recourait publiquement à ce secours, était fort chaste ; il n’usait de cette pratique, dit-il, que pour éviter les inconvénients de la semence retenue.

Mais il est bien rare que dans ce qu’on accorde aux sens, on garde un juste milieu. Plus on se livre à ses désirs, plus on les aiguise ; plus on leur obéit, plus on les irrite. Alors l’âme, enivrée de la mollesse et continuellement absorbée dans des idées voluptueuses, détermine sans cesse les esprits animaux à se porter au siège de la jouissance. Les parties qui produisent le

  1. Le marquis de Santa-Crux, par exemple, commence son livre de l’Art de la Guerre par dire : « Que la première qualité indispensable à un grand général, c’est de savoir se b… le v… » parce que cela épargne dans une armée, et surtout dans une ville de guerre, tous les caquetages et les indiscrétions des femmes, qui finissent toujours par tout perdre.