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LA TROPOÏDE

contrée à l’autre, absolument relatives à l’esprit national et à la nature du gouvernement. Le caractère des administrateurs y influe beaucoup aussi, et c’est dans ces rapports qu’il faut les envisager. Si le prix de la vertu, par exemple, est celui du brigandage ; si les hommes vils sont accrédités, les dignités prostituées, le pouvoir ravalé par ses dispensateurs, les honneurs déshonorés, il est certain que la contagion gagnera tous les jours, que le peuple s’écriera en gémissant : Mes maux ne viennent que de ceux que je paie pour m’en garantir ; et que, pour s’étourdir, il se précipitera dans la corruption que l’on provoquera de toutes parts pour étouffer ses murmures.

Si, au contraire, les dépositaires de l’autorité dédaignent l’art ténébreux de la corruption, n’attendent leurs succès que de leurs efforts, et la faveur publique que de leur succès, les mœurs seront bonnes, et suppléeront au génie du chef ; car, plus l’esprit public a de ressorts, et moins les talents sont nécessaires. L’ambition même est mieux servie par le devoir que par l’usurpation, et le peuple, convaincu que ses chefs ne travaillent que pour son bonheur, les dispense par sa docilité de travailler à l’affermissement du pouvoir.

J’ai dit que les mœurs devaient être relatives à la nature du gouvernement ; c’est donc encore sous ce point de vue qu’il en faut juger. En effet, dans une république qui ne peut subsister que par l’économie, la simplicité, la frugalité, la tolérance, l’esprit d’ordre, d’intérêt, d’avarice même, doit dominer, et l’État sera en danger, lorsque le luxe viendra polir et corrompre les mœurs.

Dans une monarchie limitée, au contraire, la liberté sera regardée comme un si grand bien, et comme un