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EROTIKA BIBLION

On ne réfléchit point assez que tout est relatif. Aucun établissement ne peut marcher selon l’esprit de son institution, s’il n’est dirigé par la loi du devoir, qui n’est autre chose que le sentiment de ce devoir. Le véritable ressort de l’autorité est dans l’opinion et dans le cœur des sujets ; d’où il suit que rien ne peut suppléer aux mœurs pour le maintien du gouvernement ; il n’y a que les gens de bien qui sachent administrer les lois, mais il n’y a que les honnêtes gens qui sachent véritablement leur obéir. Car, outre qu’il est très-facile de les éluder, outre que ceux dont elles sont l’unique conscience sont très-loin de la vertu et même de la probité, celui qui brave les remords sait braver les supplices, châtiment bien moins long que le premier, auquel on peut d’ailleurs toujours espérer d’échapper. Mais quand l’espoir de l’impunité suffit pour encourager à enfreindre la loi, et quand on est content pourvu qu’on l’ait éludée, l’intérêt général n’est plus celui de personne, et tous les intérêts particuliers se réunissent contre lui ; les vices ont alors infiniment plus de force pour énerver les lois, que les lois pour réprimer les vices. On finit par n’obéir au législateur qu’en apparence. À cette époque, les meilleures lois sont les plus funestes, puisque, si elles n’existaient pas, elles seraient une ressource que l’on aurait encore. Faible ressource cependant ! car les lois plus multipliées sont plus méprisées, et de nouveaux surveillants deviennent autant de nouveaux infracteurs.

L’influence des lois est donc toujours proportionnelle à celle des mœurs ; c’est une vérité connue et incontestable ; mais ce mot de mœurs est bien vague, et demanderait une définition.

Les mœurs sont et doivent être très-variables d’une