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ANAGOGIE

à peine dans la partie qui se trouve sur la tête de l’observateur ; car elle est pour lui à plus du double de la distance de la lune à la terre, c’est-à-dire, à deux cent mille lieues à peu près.

J’omets les phénomènes multipliés que produisent tous ces corps suspendus, par leurs éclipses respectives ; Shackerley les connaissait sur la terre et les avait bien jugés.

Leur ciel était comme le nôtre, nulle différence pour toutes les constellations ; mais un nombre infini de comètes remplissaient l’espace immense et incalculable qui se trouvait entre Saturne et les étoiles qu’on soupçonnait les plus voisines.

Comme l’attraction du globe de Saturne balançait en partie celle de l’anneau, la pesanteur y était très-diminuée ; on y marchait sans effort, et le moindre mouvement transportait la masse ; comme une personne qui se baigne et ne peut déplacer que le pareil volume d’eau qu’elle occupe, s’y meut par des impulsions insensibles.

Ainsi les corps pour se rejoindre ne faisaient que s’effleurer ; ils s’approchaient sans pression, tout y était presque aérien ; les sensations les plus délicates se perpétuaient sans émousser les organes. On conçoit que cette manière d’être influait beaucoup sur le moral des habitants de l’arc planétaire. Aussi l’une des merveilles qui surprit le plus Shackerley, ce fut la perfectibilité des êtres qui meublaient cet étrange anneau ; ils jouissaient de beaucoup de sens qui nous sont inconnus ; la nature avait fait de trop grandes avances dans l’appareil de tous ces grands corps, pour s’arrêter à cinq sens dans la composition de ceux qu’elle avait destinés à jouir de tous ces spectacles.