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EROTIKA BIBLION

de cette planète encore informe. L’anneau seul était habitable. Beaucoup plus mince et plus tôt attiédi, il jouissait déjà depuis longtemps des avantages de la nature perfectionnée, sensible, intelligente ; mais on y apercevait les terribles scènes dont Saturne était le théâtre.

La forme et la construction de cet anneau parurent si singulières à Shackerley, que rien dans l’univers ne lui avait semblé aussi étrange. D’abord notre soleil, qui est celui des habitants de ce pays, était pour eux à peine la trentième partie de ce qu’il nous paraît. Il formait à leurs yeux l’effet que produit sur la terre l’étoile du berger, quand elle est dans son plein. Mercure, Vénus, la Terre et Mars, n’y pouvaient point être discernés ; on y doutait de leur existence. Jupiter seul s’y montrait, à peu de chose près, comme nous le voyons, avec cette différence qu’il présentait des phases comme la lune nous en montre. Il en était de même de ses satellites ; et de ce concours de variétés uniformes, il résultait des phénomènes curieux et utiles. Curieux, en ce que l’on voit Jupiter en croissant, et ses quatre petites lunes tantôt en croissant, tantôt en décours, ou les unes à droites, et les autres se confondant avec la planète elle-même ; utiles, en ce que Jupiter passait quelquefois sur le soleil avec tout son cortège ; ce qui produisait une multitude de points de contact, d’immersions et d’émersions successives, qui ne laissaient rien à désirer pour la régularité des observations. Ainsi la déduction des parallaxes était calculée rigoureusement ; en sorte que, malgré l’éloignement de l’anneau, ou de Saturne ou du Soleil, qui, selon le docteur Jérémie Shackerley, n’est guère moins de trois cent treize millions de lieues, on avait