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ANAGOGIE

les anciens, mais dont l’ingénieux M. Bailly sait si bien l’histoire.

Shackerley voulut être transporté dans une des planètes les plus éloignées qui forment notre système[1] ; mais on ne le déposa pas dans la planète même, on le plaça dans l’anneau de Saturne. Cet orbe immense n’était point encore tranquille. Dans les parties basses, des mares profondes et orageuses, des courans rapides, des tournoiements d’eau, des tremblements de terre presque continuels, produits par l’affaissement des cavernes et par les fréquentes explosions des volcans ; des tourbillons de vapeurs et de fumées ; des tempêtes sans cesse excitées par les secousses de la terre, et ses chocs terribles contre les eaux de la mer ; des inondations, des débordements, des déluges ; des fleuves de laves, de bitume, de souffre, ravageant les montagnes et se précipitant dans les plaines, où ils empoisonnaient les eaux ; la lumière offusquée par des nuages aqueux, par des masses de cendres, par des jets de pierres enflammées, que poussaient les volcans… telle était la situation

  1. Je ne doute pas que quelque demi-savant, ou quelque critique obstiné, ne trouve, dans la suite de cette notice, Shackerley beaucoup plus savant en astronomie que ne le comporte le costume d’un ouvrage contemporain d’Herculanum. Mais je le prie d’observer : 1o  que l’Anagogie est une révélation faite par Jérémie Shackerley, tout comme… ah ! oui, tout comme saint Jean a écrit l’Apocalypse dans l’île de Pathmos ; 2o  que personne dans Herculanum n’a pu rien comprendre à ce manuscrit, écrit bien avant la venue de J.-C., comme nous n’entendons rien à la bête de l’Apocalypse, qui a 666… sur le front, ornement qui serait singulier même pour un mari français ; ce qui ne détruit point du tout l’authenticité de notre docte manuscrit ; 3o  qu’on n’a qu’à lire l’histoire incontestable de l’astronomie antédiluvienne, par M. Bailly, pour se convaincre que Shackerley pouvait savoir tout ce qu’il paraît avoir su… Enfin, je déclare que pour trente-six mille raisons un peu trop longues à déduire, douter de Jérémie Shackerley, c’est mériter un auto-da-fé.