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LA LINGUANMANIE

des passagers dans sa barque que quand elle était pleine[1]. Les désordres de cette princesse furent si effroyables, qu’elle admettait ses amants par compagnies[2], avec lesquelles elle parcourait la nuit toutes les rues de Rome, se prostituant dans toutes les places publiques[3], et jusque sur les Rostres, où son père Auguste avait lancé des décrets si foudroyants contre les adultères[4]. Elle combla la mesure de ses scandaleuses lubricités en faisant chaque jour couronner la statue de Marsyas autant de fois qu’elle avait la nuit soutenu de combats amoureux[5].

Tibère, ce monstre d’impudicité et de cruauté, se plongeait, en l’île de Caprée, dans les turpitudes les plus dégoûtantes et les plus horribles saletés. Non content d’exciter son imagination déréglée par les peintures les plus obscènes et les plus luxurieuses d’Éléphantis, il chercha à ranimer ses sens émoussés par les groupes les plus lascifs, qu’il faisait exécuter en sa présence par des spintres qui triplici

  1. Numquam, nisi plena navi, tollo vectorem. Macrob., lib. II, cap. 5.
  2. Admissos gregatim adulteros.
  3. Dio, lib. LV, pag. 555, A : Juliam filiam suam adeo lasciviæ progressam, ut in ipso etiam Foro et Rostris nocturnas comessationes ac compotationes ageret. — Xiphilin., in Aug. — Nihil quod facere aut pati turpiter posset fœmina, luxuria, libidine infectum reliquit : magnitudinemque fortunœ suæ peccandi licentia metiebatur, quidquid liberet prolicito judicans. — Vell. Paterc., lib. II, 100, 3.
  4. Vell. Pater., Hist., lib. II. — Suet., in Aug., c. XXXIV.
  5. La statue de Marsyas, ministre de Bacchus (liber) et fameux joueur de flûte de Phrygie, qu’Apollon écorcha tout vif, pour le punir d’avoir eu la témérité de se mesurer avec lui, fut placée dans le Forum, comme monument de la liberté de la ville ou de la victoire du dieu des chants. Les avocats de cette époque prirent l’habitude de faire couronner cette statue chaque fois qu’ils avaient gagné un procès. Ce fut pour imiter cette coutume que la princesse Julie eam coronari jubebat ab iis quos, in ilia nocturnâ palæstrâ, valentissimos colluctatores experta erat. Voyez Muret, sur Sénèque ; et les Femmes des douze Césars, par M. de Servies, chap. Julie, femme de Tibère.