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LA LINGUANMANIE

de la décence et de la pudeur Ces mœurs, si éloignées des nôtres, n’étaient point grossières dans ces temps reculés, et ne paraissent confondre notre faible raison que parce que nous ne pouvons sonder les profondeurs mystérieuses de ce peuple élu, manifestement conduit par le doigt de Dieu ; profondeurs qui nous seront peut-être un jour dévoilées alors que les Dies iræ seront arrivées, pendant lesquels les balances d’or de Monseigneur saint Michel pèseront nos futures destinées dans la vallée de Josaphat[1].

La prostitution fut connue de tous les peuples de l’Orient, qui la pratiquaient sous l’emblème des divinités génératrices. Influencés par des climats constamment brûlants où le soufre, mêlé à tous les végétaux et les drogues les plus échauffantes, occasionne dans le sang et le cerveau de ces explosions qui mènent l’esprit jusqu’au délire, ces peuples les honorent par des actes de la plus révoltante impudicité : tribaderie, pédérastie, bestialité, sodomie, onanisme et jusqu’à la profanation de cadavres de femmes, tout y est mis en usage pour stimuler leurs désirs déhontés. Mais la volupté ne paraît avoir nulle part établi son empire avec plus de dépravation et de lubricité que dans la Grèce et chez les Romains. C’est Orphée, dit-on, qui le premier introduisit dans la Thrace l’amour infâme des hommes, παιδεραστία[2], après la mort d’Eurydice, sa femme. Mais les Bacchantes, pour le punir de ce crime, le tuèrent et jetèrent sa tête dans le fleuve Hébrus. Philippe de Macédoine en fit ses délices avec Pausanias, dont il fut assassiné pour avoir souffert la violence que lui fit Atticus, son favori, en l’exposant, dans un banquet, à la lubricité de ses serviteurs. Le divin Platon ne pouvait se passer un moment de son Alexis ou de son Agathon, et le sage

  1. Teste David cum Sybillà.
  2. Hic etiam Thracum populis fuit auctor amorem
    In teneres transferre mares, citraque juventam
    Ælatis breve ver et primos carpere flores.

    Ovid., Metam., lib. X, v. 84.