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LA LINGUANMANIE

chevreuil[1] ; » et qui, en un mot, étaient « belles comme les tentes de Cédar et les peaux de Salomon[2]. »

Les allures galantes des courtisanes de son temps ressemblent beaucoup au manège de nos femmes publiques qui, le soir, dans les rues, vont recueillant les passants, pour les engager « à parcourir avec elles les deux monts de la myrrhe, la colline de l’encens[3], embrasser ensuite le figuier, et monter dessus pour en recueillir les fruits[4], » qui sont quelquefois si amers !…

Voici ce que ce roi en rapporte dans le livre des Proverbes, dont les uns renferment des erreurs, les autres de fastidieuses répétitions, et que l’Église cependant considère comme un petit chef-d’œuvre canonique, ouvrage du Très Saint-Esprit.

« De la fenêtre de ma maison, j’aperçois un jeune insensé qui, sur le soir, et lorsque la nuit devient obscure, passe dans le coin d’une rue près la maison d’une… fille. — Je la vois venir au-devant de lui, en sa parure de courtisane ; elle prend ce jeune homme, le baise et le caresse effrontément, lui disant : « Je me suis acquittée de mon vœu aujourd’hui. C’est pourquoi je suis venue au-devant de vous, désirant de vous caresser. J’ai parfumé mon lit de myrrhe, d’aloës et de cinnamome. Venez : enivrons-nous de volupté jusqu’à ce qu’il fasse jour, et jouissons de ce que nous avons tant désiré. Mon mari n’est point à la maison : il est allé faire un voyage qui sera très-long ; il a emporté avec lui un sac d’argent, et il ne doit revenir que lorsque la lune sera pleine[5]. » Entraîné par de longs discours et les caresses de ses paroles, le jeune homme la suit comme

  1. Cant. VII, v. 5.
  2. Cant. I, v. 1.
  3. Ad montem myrrhæ et ad collem thuris. Cant. IV, 6.
  4. Cant. VII, 8.
  5. C’est-à-dire, à la fin du monde.