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BÉHÉMAH

hommes à celles des bêtes, et décider positivement » que leur sort est égal, que les morts ne connaissent plus rien et qu’ils ne seront point récompensés[1] ? » Épicure a-t-il rien prêché de plus fort sur le matérialisme que ce qu’en ont dit ces deux livres canoniques ? Quoiqu’à la fin de l’Ecclésiaste, il soit rapporté que « la poussière rentrera dans la terre d’où elle a été tirée, et que l’esprit retournera à Dieu qui l’a donné[2], » ce passage ne prouve nullement la spiritualité de l’âme, puisque le mot rovah, dont se sert l’auteur de ce livre pour exprimer esprit, est appelé dans la Genèse[3] spiraculum vitæ, et signifie communément quelque chose de corporel. « Une preuve, dit Freret[4], que l’auteur de l’Ecclésiaste n’a pas entendu par là une substance spirituelle et immortelle, c’est qu’il se sert du même terme lorsqu’il parle de l’âme des bêtes[5]. Les expressions favoriseraient plutôt les Spinosistes que les orthodoxes. »

À ce raisonnement déjà si scandaleux de Freret, un autre incrédule, non moins téméraire, ajoute un raisonnement beaucoup plus scandaleux encore, et s’attaquant au point fondamental de la vraie religion, c’est-à-dire, l’immortalité de l’âme : « Examinons la nature, dit-il, et fixons nos regards sur ce qui se passe autour de nous ; nous verrons les stérilités, les pestes, les révolutions physiques désoler le monde que nous habitons ; nous verrons des millions d’êtres qui semblent n’avoir reçu l’existence que pour souffrir et mourir ; nous les verrons engagés dans des guerres perpétuelles, se dévorer les uns les autres ; les plus faibles deve-

  1. Gen., cap. IX, v. 3 et 10. — Eccles., cap. III, v. 12 et 18 ; ibid., cap. IX, v. 5.
  2. Eccles., cap. XII, v. 7.
  3. Cap. VII, v. 7.
  4. Examen critique des Apologistes de la Religion chrétienne, tome II, chap. XI.
  5. Eccles., cap. III, v. 19.