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LA THALABA


« Page 48. — Ce qui est plus singulier que l’indulgence de Galien, c’est celle de la fameuse Laïs, qui prodigua à Diogène les faveurs que toute la Grèce aurait payées au poids de l’or. »

Cette fameuse courtisane, née à Hyccara, ville de Sicile, était fille du pontife du temple d’Apollon. Elle eut d’abord pour amant le célèbre roi Pyrrhus, qu’elle voulut accompagner dans son expédition contre les Romains. À son retour de l’Italie, elle fixa sa demeure à Corinthe, où une foule d’adorateurs vint de toutes parts rendre hommage à son admirable beauté et à la puissance irrésistible de ses charmes. Ses principes, en amour, repoussaient tout sentiment exclusif. Et singulier caprice de femme !… celle qui pressait dans ses bras le galant Aristippe, ne dédaigna point de recevoir les caresses cyniques du dégoûtant Diogène.

Elle mettait ses faveurs à si haut prix, qu’il fallait être bien fortuné pour y prétendre. De là le proverbe si connu : « Non cuivis homini contingit adire Corinthum. »

Un jour, le célèbre orateur Démosthènes, se sentant un voluptueux désir de haranguer Laïs, la sollicita vivement d’écouter son éloquence ; mais la nymphe s’obstinant toujours à refuser de lui prêter l’oreille, à moins d’une récompense de 100 talents (600 couronnes) qu’elle exigea pour prix de sa complaisance, l’orateur, indigné qu’on prît son beau talent pour du verbiage, s’en alla en lui lançant cette épigramme : « O Laïda, tanti pœnitere non emo ! »

Cette taxe, que prélevaient sur l’incontinence des fileurs d’amour, les courtisanes d’autrefois, fait aujourd’hui encore partie de nos impositions ; mais basée, il est vrai, sur une échelle beaucoup moindre, à cause de la multiplicité des contribuables et de la facilité avec laquelle on discute… le budget des passades de nos Laïs.

Cette nymphe complaisante aimait à se moquer de la sagesse orgueilleuse et pédantesque des philosophes d’Athènes,