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NOTES SUR

tiennent à son histoire : aucun d’eux n’était tiré des haras de la vigoureuse Sparte ; on ne comptait pour tige de leur race aucun Bucéphale ; petits et faibles, le moindre bruit les effarouchait ; on ne les façonnait point aux évolutions nécessaires dans un champ de bataille : on se contentait de leur apprendre à danser au son de la flûte avec des eunuques et des Ganymèdes[1].

Les arts en honneur dans Sybaris étaient ceux qu’on regarde comme des branches de luxe. Ainsi les artisans qui mettaient en œuvre la teinture de la pourpre, ceux qui pêchaient des poissons monstrueux ou qui les exposaient en vente, étaient non-seulement considérés, mais encore exempts de toute imposition publique : on les regardait comme les soutiens de l’État, parce qu’ils, étaient les instruments nécessaires du luxe effréné de quelques citoyens.

Il fallait, au reste, que les arts protégés par le luxe fussent parvenus dans Sybaris à quelque perfection, puisque l’Europe mettait un prix insensé aux ouvrages de ses manufactures. Le précepteur d’Alexandre parle, dans son livre des Merveilles, d’une robe du Sybarite Alcisthène, qui fut vendue cent vingt talents aux Carthaginois, par l’ancien Denys de Syracuse ; or, cent vingt talents font juste cent quarante mille francs de notre monnaie actuelle : ce qui ne laisse pas que d’être merveilleux pour un habillement où il n’entrait ni diamants ni pierreries.

Les repas semblaient l’objet le plus important de la législation sybarite. On décernait des couronnes d’or à ceux

  1. Pline l’ancien, Aristote, Strabon, Athénée, Diodore de Sicile, Sénèque, sont les garants de tous les faits extraordinaires de cet essai sur Sybaris ; mais l’anecdote des chevaux qui dansaient au son de la flûte, est appuyée de l’autorité de Suidas. « Sybaritæ luxuriosi erant, et deliciis adeo indulgebant ut vel ipsos equos ad tibiam saltare docerent. » Voyez cet auteur, belle édition de Kuster, au mot Sybariticais.