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NOTES

vie libertine et débauchée, et vendu, comme les vestales de l’Opéra, des cordons verts aux libertins de Jérusalem, un jour qu’elle savait que Jésus-Christ était allé dîner chez le Phariséen Simon, touchée sans doute par un mouvement de curiosité si naturelle à son sexe, ou peut-être par un caprice de vertu, ou, ce qui est plus probable, par le délabrement d’une santé usée dans les débauches, Madeleine pénètre dans la salle du repas et s’y jette, avec une sainte impudence, aux pieds du Sauveur, les embrasse, les baise, les parfume, les arrose de ses larmes, et les essuie de ses cheveux.

Alors, témoin de cette scène attendrissante, et supposant dans son orgueil que les dérèglements de cette femme ne sont point connus à son convié, parce que, au lieu de rejeter, il accueille l’hommage impur de cette prostituée, l’incrédule Phariséen doute témérairement de la puissance du divin prophète, et reste confondu lorsqu’il entend Jésus dire à cette courtisane qu’il préfère son ardent amour à la tiédeur de ceux qui ne l’aiment que du bout des lèvres, et qu’il lui pardonne ses péchés, parce qu’elle a beaucoup aimé[1].

Admirable et touchant modèle de conversion ! Elle nous fait voir, disent les saints Pères, que la pécheresse la plus noire devient blanche comme neige devant Dieu, lorsque l’humilité sanctionne sa pénitence… et, comme dit quelque part l’impie Boufflers, se sauve ainsi du grand feu que Dieu a fait là-bas pour ceux qui ne vont pas là-haut…

  1. Saint Luc, chap. VIII, v. 36 à 50.