de nom. Anaxagore, Anaximène, Archelaüs, la composaient d’air subtil ; Hippone, d’eau ; Xénophon, d’eau et de terre ; Parménide, de feu et de terre ; Boëce, de feu et d’air. Critias la plaçait tout simplement dans le sang ; Hippocrate ne voyait en elle qu’un esprit répandu par tout le corps ; Marc-Antonin la prenait pour du vent ; et Critolaüs, tranchant ce qu’il ne pouvait dénouer, la supposait une cinquième substance.
Il faut convenir qu’une pareille nomenclature a l’air d’une parodie, et l’on croirait presque que ces grands génies se jouaient de la majesté de leur sujet, en voyant que le résultat de leurs méditations était des définitions aussi ridicules, si, en lisant les plus célèbres modernes, on était plus éclairé sur cette matière que par les rêveries des anciens. Ce qui résulte de plus remarquable de leurs opinions en ce genre, c’est que jamais on n’avait eu, jusqu’à nos dogmes modernes, la moindre idée de la spiritualité de l’âme, quoiqu’on la composât de parties infiniment subtiles[1]. Tous les philosophes l’ont crue matérielle, et l’on sait ce que presque tous pensaient de sa destinée. Quoi qu’il en soit, les folies théoriques, les hypothèses même ingénieuses, ne nous instruiront jamais autant que le pourraient des expériences physiques bien dirigées.
Ce n’est pas que je croie qu’elles puissent nous apprendre, ni quelle est la nature de l’âme, ni le lieu où
- ↑ On sait combien les Pères eux-mêmes ont été partagés et ambigus sur cette matière. Saint Irénée ne faisait pas difficulté de dire que l’âme était un souffle et analogue aux corps qu’elle a habités, et qu’elle n’était incorporelle que par rapport aux corps grossiers. Tertullien la déclare tout simplement corporelle. Saint Bernard, par une distinction fort étrange, prétend qu’elle ne verra pas Dieu, mais qu’elle conversera avec Jésus-Christ.