quelque temps sans m’en parler. Je l’aimais
toujours autant et plus, s’il était possible,
que je n’avais jamais fait ; mon empressement
et mon goût pour lui ne diminuaient point ;
enfant de la nature et de la vérité, je n’y
mettais ni politique ni dissimulation. On
prétend que nous sommes naturellement
fausses : je crois que cette fausseté est d’acquisition
et selon l’éducation reçue. Enfin, je
me sentais capable de tout sacrifier pour ce
cher et tendre père, et je pris une résolution
intérieure d’éviter les poursuites et les soins
de ce beau garçon. Je n’avais pu concevoir
l’accord des sensations et de la fantaisie que
j’éprouvais pour Vernol avec les sentiments
de mon cœur pour ce tendre papa, mais la
disposition où je me trouvais me fit connaître
par la suite la différence des mouvements qui
m’agitaient. Tu concevras difficilement, chère
Eugénie, cette différence ; il faut l’avoir sentie
pour la connaître ; bien des hommes pourraient
t’apprendre à faire la distinction qui s’y
trouve. Mon père voulut la juger en moi, et
s’en assura, en me mettant à une épreuve à
laquelle je ne m’attendais nullement.
— Laure, quelques-uns de vos amis actuels me font de la peine ; je désirerais que vous ne voyiez plus Rose ni son frère.
Je ne balançai pas un instant, et me mettant à son cou, le serrant, le pressant contre mon sein :
— J’y consens bien volontiers, cher papa ;