quoique que sa sœur, des tourments qu’elle doit
endurer ! Elle a le cœur tendre, l’esprit vif, le
goût délicat ; elle possède les grâces et la beauté ;
elle s’est trouvée cloîtrée avant de se connaître. À
sa place, que je serais malheureuse, mot qui ai
moins qu’elle de droits au bonheur ! Elle attendait
avec impatience une amie qui devait bientôt
la rejoindre. Dès le premier jour, elle m’en parla
avec des transports d’une tendresse inouïe ; elle
me la dépeignait avec des couleurs tout à fait
animée ; elle tournait sans cesse la conversation
sur cet objet intéressant. Elle reçut de sa part un
coffre très joli ; il était plein de petits ustensiles
et de chiffons propres à une religieuse. Il attira
les regards, selon l’usage, des bonnes mères tourières
et supérieures, toutes plus curieuses ordinairement
que rusées. Une découverte précieuse
leur échappa. Ma sœur m’ayant laissée seule, la
curiosité me prit à mon tour. Je m’aperçus que
le fond était bien épais pour une si petite boîte ;
en effet, il se trouva double et il renfermait le
petit détail que je t’envoie. J’en ai secrètement
tiré copie dans les heures de prière de ma recluse.
Puisse la lecture que te procure la main de ton
amante te dérober des moments aux belles de
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LETTRE DE SOPHIE