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LE RIDEAU LEVÉ


je recommençai mes frottements. J’étais toute en feu ; cette sensation que j’avais éprouvée s’augmenta par degrés, et parvint à une telle énergie, que mon âme, concentrée dans le milieu de moi-même, avait quitté toutes les autres parties de mon corps pour ne s’arrêter que dans cet endroit : je tombai, pour la première fois, dans un état inconnu, dont j’étais enchantée.

Revenue à moi, quelle fut ma surprise, en me tâtant au même endroit, de me trouver toute mouillée ! J’eus dans le premier instant une vive inquiétude, qui se dissipa par le souvenir du plaisir que j’avais ressenti et par un doux sommeil qui me retraça pendant la nuit, dans des songes flatteurs, les agréables images de mon père caressant Lucette. J’étais même encore endormie quand il vint le lendemain me réveiller par des embrassements, que lui rendis avec usure.

Depuis ce jour, ma bonne et lui me parurent de la meilleure intelligence, quoiqu’il ne restât plus le matin si longtemps près de nous. Ils n’imaginaient pas que je fusse au fait de rien, et, dans leur sécurité, ils se faisaient dans la journée mille agaceries qui étaient ordinairement le prélude des retraites qu’ils allaient souvent faire ensemble dans sa chambre, où ils restaient assez longtemps. J’imaginais bien qu’ils allaient répéter ce que j’avais déjà vu ; je ne poussais pas alors mes idées plus loin : cependant je mourais d’envie