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LE RIDEAU LEVÉ


Les caresses qu’il me faisait, et qu’il ne ménageait pas, paraissaient l’animer ; ses yeux en étaient plus vif, son teint plus coloré, ses lèvres plus brûlantes. Il prenait mes petites fesses, il les maniait, il passait un doigt entre mes cuisses, il baisait ma bouche et ma poitrine. Souvent il me mettait totalement nue, et me plongeait dans un bain : après m’avoir essuyée, après m’avoir frottée d’essences, il portait ses lèvres sur toutes les parties de mon corps, sans en excepter une seule ; il me contemplait ; son sein paraissait palpiter, et ses mains animées se reposaient partout : rien n’était oublié. Que j’aimais ce charmant badinage et le désordre où je le voyais ! mais au milieu de ses plus vives caresses, il me quittait et courait s’enfoncer dans sa chambre.

Un jour, entre autres, qu’il m’avait accablée des plus ardents baisers, que je lui avais rendus par mille et mille aussi tendres, où nos bouches s’étaient collées plusieurs fois, où sa langue même avait mouillé mes lèvres, je me sentis tout autre. Le feu de ses baisers s’était glissé dans mes veines ; il m’échappa dans l’instant où je m’y attendais le moins : j’en ressentis du chagrin. Je voulus découvrir ce qui l’entraînait dans cette chambre, dont il avait poussé la porte vitrée, qui formait la seule séparation qu’il y avait entre elle et la mienne. Je m’en approchai, je portai les yeux sur tous les carreaux dont elle était garnie,