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LE RIDEAU LEVÉ


moyens ; désirs enfin qui t’auraient engagée à me regarder dans ton cœur comme un tyran jaloux, si je m’y étais opposé, et j’aurais perdu pour jamais ta tendresse et ce cœur dont seul je suis jaloux. Mais je ne voulais pas, en te souffrant dans les bras de Vernol, qu’il s’autorisât de ma complaisance pour toi, et qu’il s’en fît un titre pour penser intérieurement, ou pour parler d’une manière désavantageuse ; je désirai qu’il ne pût même, ainsi que Rose, songer au bonheur qu’il avait trouvé dans tes bras, sans se souvenir, en même temps, qu’il l’avait payé de sa personne, et que cette réflexion fût un frein pour ses idées et pour sa langue.

Je le fis avec d’autant plus de raison, qu’en général, dans la jouissance des femmes, les hommes ne sont guère prudents ni discrets. Pour ajouter encore une preuve de ma franchise et de mes vues réelles, c’est que Rose, de ce côté-là, n’a pas reçu de ma part une pareille offrande, quoique cela soit plus naturel avec une femme, comme je te l’ai déjà dit et que même elle y gagne presque toujours ; mais elle ne m’était pas nécessaire ; malgré que ce fût la première fois qu’elle en eût essayé, j’ai laissé ces prémices à Vernol : juge : de là si tu t’es trompée.

Je pris mon papa dans mes bras ; je le serrai contre mon cœur, je le pressai contre mon sein, je l’étouffais.

— Cher et tendre papa, je sens plus que