le cercle de la marquise, je remarquai
un grand chevalier de Malte, fort maigre,
fort pâle, mais qui se donnait des
airs de privauté ; le ton maussade de
la marquise me convainquit que c’était
mon devancier, et qu’il allait être congédié.
Pour aider à le pousser dehors,
je l’attaquai, je le persifflai, il se défendit
mal, je sortis, il me suivit. Après
le coucher, il me pria de gagner avec
lui la pièce des Suisses, m’assurant
qu’il avait quelque chose à me confier.
La nuit était belle, nous nous promenâmes ;
arrivés dans un lieu assez solitaire,
il mit brusquement l’épée à la
main ; je la saisis, je l’enlève et la jette
à vingt pas, du plus grand sang-froid
du monde : mon homme, tout étonné,
se fâche, et je n’en ris que davantage.
Enfin, je lui dis : « Mon cher chevalier,
je crois entrevoir vos motifs ; vous
êtes bien avec la marquise, elle vous
Page:Mirabeau - Le Libertin de qualité ou Ma Conversion, 1801.djvu/70
Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 64 )