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osera la condamner ? Six mois se passèrent au milieu des délices. Isolés du reste de la nature, nous nous suffisions à nous mêmes. Nos feux sans cesse renaissans avaient toujours le charme de la nouveauté. Une confiance mutuelle et sans bornes achevait notre bonheur.

Hélas ! peut-il durer long-temps ? Vils jouets du destin, que possédons-nous de stable ! et pour quelques gouttes de bien mêlées dans l’océan, de maux faut-il chérir la vie ?… La marquise portait dans son sein un gage de notre amour. Bientôt son état ne fut plus incertain. J’étais au comble de la joie sans oser le lui témoigner : joie insensée peut-être, mais si douce que je ne pensais pas même à la combattre. Euphrosie, plus éclairée par ses pressentimens, se sentait dévorée d’inquiétudes que sa douceur et son amour déguisaient à