Page:Mink - Le Travail des femmes, 1868.pdf/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Quoi qu’on fasse dans le savoir, dans l’intelligence, dans le travail, dans le cœur même, jamais la femme ne sera semblable à l’homme.

À l’un, les pensées larges et grandes, à l’autre, celles de détail et les aspirations élevées ; à l’un, l’esprit condensateur, à l’autre, la finesse d’observation. L’homme est la force, la femme la résistance ; l’homme est l’initiative, la femme la persévérance ; l’homme a le courage qui brave le péril, qui défie le danger, la femme celui qui domine la souffrance et qui dompte l’adversité. Partout et toujours, c’est donc, ainsi que le dit si bien M. Legouvé : « Égalité dans la différence. » L’un complétant l’autre, l’autre achevant l’un.

En réclamant l’indépendance de la femme, il ne faut pas prétendre vouloir en faire un homme. Nullement. Trop souvent, je le sais, ce but a été l’ambition des émancipateurs féminins, et je crois que c’est là leur écueil et la raison de leurs échecs successifs.

Pourquoi donc la femme ne pourrait-elle être l’égale de l’homme, sans pour cela désirer se faire lui ? C’est toujours une preuve de faiblesse que de vouloir copier ; il faut, avant tout, être et rester soi. Les femmes ont des vertus qui leur sont propres, et les hommes des qualités qui leur sont particulières. Pourquoi faire du tout un même bloc informe à n’y rien reconnaître ?

Nous affirmons notre individualité, mais nous voulons rester nous-mêmes. Et ce n’est pas avec arrogance, ni en pleurant ou en suppliant, que nous demandons notre indépendance, mais c’est avec calme, le front ferme et le cœur fier ; car nous savons remplir un noble devoir en réclamant les droits de toute une moitié de la personne humaine, et nous avons la conscience de rendre, par cette émancipation, un immense service à l’humanité en lui donnant double force, double activité, double facilité