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Non, messieurs, non, la femme n’est ni une esclave, ni une reine, ni une idole, elle est une personne humaine comme vous, ayant de même que vous droit à l’autonomie, elle est l’amie, la compagne de son mari et non sa sainte, sa dominatrice ou sa servante ; elle ne prétend ni se soumettre tête baissée, ni être adorée, mais elle veut avant tout être aimée et surtout estimée !

En déniant à la femme le droit au travail, vous la ravalez, vous la mettez sous le joug de l’homme et vous la livrez en tout au bon plaisir masculin. En cessant de faire d’elle une travailleuse, vous lui ôtez sa liberté et vous lui faites perdre par conséquent sa responsabilité (et c’est pourquoi j’insiste autant sur cette question), elle ne sera plus elle-même une créature libre et intelligente, mais seulement un reflet, un détail de son mari.

Certes il viendra un temps, — qui n’est pas très loin de nous, je l’espère, — où chacun ne sera honorable que par son travail, où nul ne vaudra que par ce qu’il produira, et alors quel sera le rôle de la femme, si, inerte et passive, elle est toute à la disposition du mari qu’elle aura ? s’il lui est interdit de penser au travail ? s’il n’est pas pour elle d’avenir en dehors du mariage ? et si elle ne doit avoir jamais ni liberté, ni vie à elle propre ?

Pardonnez-moi de m’étendre autant sur ce sujet, mais c’est, je crois, la clef de la voûte, car c’est le travail seul qui donne l’indépendance, sans laquelle nulle dignité n’est possible.

Tout être, qui ne produit pas des résultats échangeables, est non-seulement nul, mais encore nuisible à la société, puisqu’il vit de son sang sans rien lui apporter. Il l’épuise au lieu de la fortifier, c’est une plante parasite qu’on doit retrancher et dont il faut se débarrasser au plus vite. « Tout arbre qui ne porte pas de fruits, a dit un philosophe juif, Jésus, doit être coupé et jeté au feu. » Celui qui ne produit pas n’a pas le droit de consommer, tel sera le Credo des sociétés nouvelles réorganisées sur la justice, la raison, la logique et la saine équité.